Mes chers amis,
nous vivons aujourd'hui dans une société qui déconsidère dangereusement
ta glandouille. Mais, quand je vous vois si nombreux à glandouiller, je me dis
qu'une espérance est en train de naître. Cette espérance, nous n'avons pas le
droit de la décevoir.
Vous êtes la preuve vivante que cet espoir ne demande qu'à renaître. Vous
êtes la preuve vivante que notre peuple n'a pas renoncé à ta glandouille.
Quand je vois votre foule immense de glandouilleuses et de glandouilleurs, je
mesure l'attente qui grandit. Je mesure à quel point, malgré les injonctions,
malgré les radios-réveils, votre volonté de ne rien branler reste la plus
forte. Ici, à Seclin Plongée, comme partout en France, j'entends ce cri qui
s'élève des transats et des rocking-chairs et dont l'écho semble se répéter
indéfiniment : "Ça ne peut plus rrrrr, RRRR, RRRRRRonnnn."
Ça ne peut plus durer la glandouille découragée, la fainéantise vilipendée, le branleur démoralisé.
Nous ne bâtirons pas la même société selon que nous placerons ou non au
cœur de l'école les valeurs de la glandouille, du moindre effort et de la
paresse. Je souhaite une éducation qui fasse redécouvrir aux enfants le plaisir de la relaxation après L'effort de la sieste !
Au cœur de la crise morale il y a la crise de la valeur glandouille. La
glandouille c'est la jouissance, c'est l'allongement de ta durée de vie, c'est
le fondement de la sérénité. C'est la liberté et c'est la liberté (excusez,
flemme de trouver un autre mot en "é").
Le travail c'est le reniement de la valeur glandouille. Avec le travail,
l'homme subit au lieu de vouloir. Le travail est dégradant pour la personne
humaine. Il démoralise ceux qui aimeraient rester peinards.
Derrière la crise de la glandouille, il y a le sentiment désespérant que
la branlette est impossible, que la flemme est déconsidérée et le
tireau-flanc montré du doigt, que l'intelligence ne protège même plus
du travail. Avec la crise de ta valeur glandouille c'est l'espérance
qui disparaît. Comment espérer encore si la glandouille ne permet plus
de se mettre à l'abri de l'effort ?
Je n'accepte pas qu'il puisse exister des glandouilleurs éreintés alors
que l'on a déjà bien assez à faire avec ceux qui sont fatigués parce qu'ils
aiment le travail !
Pour que la glandouille apparaisse de nouveau comme un moyen
d'émancipation, il faut l'encourager au lieu de la décourager. Il faut cesser
de dévaluer la glandouille en surévaluant le travail.
Il y a une façon d'être des glandouilleurs, un rapport
particulier des glandouilleurs à la vie et je ne veux pas que cette culture de
la glandouille se perde. Je ne veux pas d'une France sans glandouilleurs.
La France sans glandouilleurs serait une France appauvrie moralement,
culturellement, physiquement. Les glandouilleurs ont un sens de l'évitement,
une science de l'oisiveté, une aptitude à la torpeur qui forcent l'admiration.
A leur manière ce sont des résistants. Des résistants contre la disparition
d'un type de civilisation qui respectent la glandouille comme une condition
de la liberté, qui pensent que l'honneur c'est d'en faire le moins
possible et que le premier devoir d'un homme c'est de transmettre sa
paresse à ses enfants.
Aux glandouilleurs, glandeurs, branleurs, fainéants et feignasses, aux
tire-au-flanc et aux vauriens, aux lanterniers, paresseux, flâneurs, oisifs ou
branlotins,
aux butteurs, flancs-mous, culs-de-plomb et feignassous, aux bons à
rien, flemmards, tire-au-cul, traîne-savates, aux tourne-pouces et aux
nonchalants, aux rêveurs et aux lève-tard qui pensent qu'ils ne servent
à rien, je veux leur dire que c'est bien vrai. Je veux leur dire qu'on
ne les forcera pas à être utiles. Je veux leur dire que oui, un
glandouilleur qui disparaît, un hamac qui se vide, un parasol qui
s'effondre, c'est un drame ! A tous ceux-là je lance (mais pas trop
fort) ce message ensommeillé d'espoir
Amis glandouilleurs et forçats de la sieste,
NE VOUS LEVEZ SURTOUT PAS !
Eric Deup - Paris - le 21 janvier 2008